mercoledì 17 gennaio 2018

Recuel des cours: 2. Droit et devoirs fondamentaux des États , par Lord Phillimore, 1923,

B. S. HPrec. ↔ Succ.
Biblioteca Gallica.
Lord PHILLIMORE: Walter George Frank Phillimore, fils unique de sir Robert Phillimore, juge à la Haute-Cour d’Amirauté et publiciste connu. Né à Londres, le 21 novembre 1845; a fait ses études à St. Peter’s Collège, Westminster, puis à Oxford (Christ Chruch); placé trois fois dans la première classe dans les examens pour le baccalauréat; élu fellow (socius) de All Soul’s, Oxford; bachelier ès arts, 1867; bachelier et docteur en droit civil; avocat 1868; brevet de préséance, 1888; juge à la Haute-Cour d’appel et assermenté membre du Conseil privé du Roi, 1913; a donné sa démission de la Cour d’appel en 1916; nommé Pair de Royaume (Baron) en 1918.

Wikipedia.
En sa qualité d’ancien magistrat fait, partie actuellement du Comité judiciaire du Conseil privé — tribunal suprême pour les Indes et les Dominions— et de la Chambre des Pairs siégeant judiciairement comme tribunal suprême pour la Grande-Bretagne; chairman, depuis son installation du Naval Prize Tribunal établi pour décider des questions de droit survenant entre le personnel de la Marine et l’État; membre du Comité consultatif des Juristes chargé d’élaborer les status de la Cour permanente de Justice International à la Haye, 1920; représenta ad hoc l’empire Britannique dans le Conseil de la Ligue des Nations pour les différends entre la Pologne et ses colons de race allemande en 1924; préside lé Comité de Jurisconsultes sur l’interprétation du Pacte à Genève, 1924; président de l’Association de droit international en 1906-1907; vice-président permanent et chairman du Conseil exécutif; membre de l’Institut du droit international; membre du Curatorium de l’Académie de droit international de la Haye; docteur à titre honoraire des Universités d’Edimbourg et de Birmingham; fellow (socius) de l’Académie britannique; a aidé son père dans la préparation des 23 et 3e éditions de ses Commentaires on International Law; a écrit les articles Admiralty (High Court of), Admiralty Jurisdiclion, pour l’Encyclopedia Britannica; Three Centuries of Trealies of Peace, 1917; plusieurs brochures, pamphlets et revues, sur les questions du droit et en matière littéraire.

Droit et devoirs fondamentaux des États
Vers. 1.1 / 18.1.18
Biblioteca Gallica.
Sommario: I. 1.1 Définition de l’État et différentes sortes d’États. - 1.2 Nécessité d’entrer pour eux en relations réciproques. - 1.3 Personnes internationales autres que les États. - 1.4 Seuls les États ont des droits et des devoirs internationaux. - 1.5  Deux sortes de droits fondamentaux: les droits originaires et les droits acquis. - 1.6 Le droit de vivre est à la base de tous les droits fondamentaux. - 1.7 Le «droit à la naissance». - 1.8  Le droit de souveraineté. – II. 2.1 Nécessité de distinguer le droit existant et le droit qui devrait être instauré. - 2.2  Le droit d’Indépendance, ses limites; la théorie de l'intervention. – III. 3.1 Le droit de conservation. - 3.2 Le droit d’égalité et le droit au respect. - 3.3 Le droit d’acquisition. - 3.4 Droits relatifs: droit d'ambassade, droit de conclure des traités, droit de commerce. – IV. 4.1 Le droit conventionnel et la procédure internationale sont exclus de la théorie des droits fondamentaux. - 4.2 Les devoirs fondamentaux des États. - 4.3 L’entr’aide internationale est-elle uneobligation. - 4.4 Application de la théorie des droits et devoirs fondamentaux aux États fédéraux. - 4.5 Considérations sur la notion d’indépendance. - 4.6 La situation de l’individu en Droit international. – V. Note. – VI. Bibliografia.

 I.


1.1 Définition de l’État et différentes sortes d’États. / B. S. H. / – Avant d’aborder l’étude des droits et des devoirs fondamentaux des États, il convient de bien préciser la notion même d’État. On sait que beaucoup de définitions ont été proposées parmi les quelles on peut mentionner celles que donnent Grotius (1), Vattel (2), Wheaton (3), Heffter (4), Sir Robert Phillimore (5), Maine (6), Bluntschli (7), Calvo (8), Woolsey (9) , Field (10), Holtzendorff (11), Fiore (12), Zeballos (13); tous ces écrivains ont à peu prés la même conception et il n’ya entre eux que des différences d’expression. Sir Robert Phillimore s’exprime ainsi: «Pour tout ce qui concerne le droit international, voici la définition qu’on peut donner d’un État: c’est un peuple occupant d’une façon permanente un territoire défini et tellement lié par les mêmes lois, les mêmes moeurs et les mêmes coutumes, qu’il forme un corps politique possédant un gouvernement organisé, qui exerce une souveraineté indépendante et un contrôle sur toutes les personnes et sur toutes les choses comprises dans son territoire, qui a la capacité de faire la guerre et la paix et d’entrer dans toute sorte de relations avec les autres sociétés du même ordre qui se trouvent dans le monde (1).

Cette définition doit subir une légère correction que l’auteur lui-même aurait fort bien admise. Il y a en effet des États dont la souveraineté n’est pas sans qualification, des États sous protectorat ou sous mandat; il y a eu aussi, à une époque assez rapprochée de nous, des États vassaux; et l’on sait que le terme de «mi-souverains» a été appliqué à tous ces États. Or ils ont, comme les États dont la souveraineté est absolue, des droits et des devoirs internationaux, bien que ces droits et ces devoirs subissent certaines modifications. C’est un point dont il sera traité plus loin.

Il faut faire une distinction entre les États simples comme la Belgique, la Norvège et les États composés. Il y a plusieurs espèces d’États composés. 

La plus ordinaire est la fédération (Bundesstaat) et parmi les fédérations, il y en a de plus ou moins étroitement liées. Il suffit de rappeler les différences qui existent entre les États-Unis de l’Amérique du Nord, ceux du Brésil et de l’Argentine, etc., et la Suisse. Al’heure actuelle l’Empire britannique forme une espèce d’État composé qui possède plusieurs des attributs d’une fédération, sans former une fédération dans le sens strict du mot. Nous avons aussi un cas intéressant dans l’union du Danemark avec l’Islande.

En ce qui concerne les droits et les devoirs internationaux, on pourrait soutenir qu’un État composé ne diffère en rien d’un État simple. Ce serait logique; mais en pratique comme nous l’indiquerons plus loin, il peuty avoir certaines différences (2). Il en est de même pour les États non fédéraux, mais qui ont d’importantes colonies ou possessions d’outre mer, comme la Hollande, la France, le Portugal, etc. Lorsqu’il s’agit de ces États, les choses ne se passent pas toujours comme pour les États simples.

Un État, qu’il soit souverain ou mi-souverain, simple ou composé, est «une personne morale» selon l’expression de Vattel, ou selon celle de Calvo «un être moral.» « Les États sont les personnes du droit international» déclare Bluntschli. Zeballos parle de «personnes juridiques» et Fiore dit: Lo Stato è persona.

1.2 Nécessité d’entrer pour eux en relations réciproques. / B. S. H. / – L’État « personne morale » se trouve en relations avec les autres «êtres moraux» qui forment ce que Fiore et d’autres écrivains ont appelé la « magna civitas » du monde. On peut dire qu’il lui est impossible d’éviter d’entrer en relations avec les autres États. Aristote dans son grand ouvrage sur la politique s’exprime ainsi (3: «L’homme qui ne peut entrer en communication avec son entourage ou qui ne demande rien parce qu’il se suffit à soi-même ne fait aucunement partie de la société. Un tel homme doit être ou un animal ou un Dieu.» Il en est de même pour un État relativement à la «magna civitas.» On pourrait imaginer, il est vrai, un État vivant tout à fait à part des autres. Mettons qu’il s’agisse d’une île, de sorte qu’il ne puisse être question de pays limitrophes et de relations nécessaires entre les habitants des deux frontières. Supposons que cette île produise toutes les choses nécessaires pour la vie frugale que mènent ses habitants; supposons qu’ils ne demandent pas des objets de luxe, qu’ils ne sont pas curieux, qu’ils ne voyagent pas, qu’ils n’ont pas de navires, et que leurs lois interdisent le débarquement des étrangers; c’est alors seulement que nous aurions à faire à un État qui ne veut pas entrer en communication avec ses semblables et qui se suffit entièrement à lui-même. Mais à l’heure actuelle, il n’existe pas dans le monde un seul État qui réponde a ces caractéristiques: même la Corée, même l’Afghanistan ont des relations internationales.

F. Suarez (1548-1617)
Suarez a donc bien raison de dire: «Humanum genus, quantumvis in varios populos et régna divisum, semper habet aliquam unitatem non solum specificam sed etiam quasi politicam et moralem.... Quapropter licet unaquaeque civitas perfecta, respublica aut regnum, sit in se communitas perfecta ac suis membris constans, nunquam illae communitates.... sint sibi sufficientes, singillatim (1).... »

Plusieurs écrivains font une catégorie spéciale des peuples barbares inorganisés, qui ne peuvent être considérés comme des Nations ou des États dans le vrai sens international. Calvo s’exprime sur cesujet d’une façon à laquelle on doit s’associer:
«Les peuples nomades, n’ayant ni territoire propre, ni domicile fixe, ne sauraient être considérés comme des États, mais on les traite sur le même pied: on conclut même des traités internationaux avec eux lorsqu’ils jouissent d’une organisation politique et expriment par l’intermédiaire de leurs chefs ou de leurs assemblées, une volonté commune. Dans tous les cas, les États sur les territoires desquels ils se meuvent sont bien forcés de les contraindre à respecter les obligations imposées par le droit international, et partant de régler avec eux certaines conditions au moyen de traités qui, comme tous les autres, revêtent le caractère international (2).»
Il est facile de voir que chacune de ces tribus, quoique ne constituant pas un État proprement dit, doit, en ce qui touche ses relations avec les États voisins, être revêtue d’un caractère quasi-national et que les droits et des devoirs réciproques doivent être réglés par des principes analogue sà ceux qui régissent les rapports des États.

La question la plus délicate qui se pose à ce sujet est celle qui se présentera quand nous discuterons le droit d’acquisition de territoire.

Quant aux individus qui composent chaque tribu, et qui, par hypothèse, n’ont pas le plein droit de citoyens ou de sujets d’un État, il est assez difficile de leur assigner une position logique. Suivant notre conception, qui sera exprimée plus loin (1), on doit écarter, les droits de l’homme du système du droit international; mais ces individus ne méritent pas de se trouver hors la loi; leur tribu peut, pour leur protection, agir en caractère d’État dûment constitué, et en revanche elle pourra être tenue pour responsable des excès commis par ses membres. Mais si un peuple est tellement barbare qu’il n’a pas d’organisation du tout, ses membres ne sauraient être protégés que par les principes de la morale et de la religion, les mêmes principes devant être appliqués quand il s’agit de leur châtiment.

1.3 Personnes internationales autres que les États. / B. S. H. / – Les États sont donc des personnes en droit international; mais on pourrait dire qu’ils ne sont pas les seules personnes dont s’occupe lé droit international. Il existe en effet des institutions, dès pouvoirs d’un autre genre; les grands chefs des églises ou des religions organisées comme Sa Sainteté le Pape, Sa Béatitude le Patriarche de Constantinople et pour les mahométans, le Khalife. Les gouvernements qui ont parmi leurs sujets un grand nombre de catholiques romains, de chrétiens orthodoxes ou de mahométans doivent entrer en relations avec le pouvoir religieux.

Pour le Pape, on pourrait le traiter comme souverain du Vatican, et cela présenterait quelque intérêt dans ses relations avec le royaume d’Italie; mais sa position internationale n’est pas aussi bornée. On trouvera sur sa position internationale et aussi sur celle du Patriarche des indications utiles dans le deuxième tome des Commentaires de sir Robert Phillimore; et parmi les écrivains de droit international dont les oeuvres ont été rédigées depuis l’année 1870, il faut consulter les développements qui sont consacrés au Saint-Siège, la « Santa Sede », dans les livres de Fiore (2) et de Cxuchaga (3).

Il faut mentionner en outre, bien qu’aujourd’hui il n’en existe plus, les compagnies ou associations qui ont eu une grande importance pour l’exploitation des pays non-européens, comme la compagnie anglaise des Indes orientales; quoique soumises et assujetties au souverain du pays, auquel elles devaient leur incorporation, c’est-à-dire leur existence, elles se sont conduites envers d’autres pays comme si elles étaient à demi souveraines. Les nécessités, dans ce temps ou les communications étaient beaucoup moins rapides qu’au nôtre, les ont forcé à agir de leur propre chef; elles ont fait la guerre et la paix, ont envoyé des agents diplomatiques dans les pays limitrophes et en ont reçu à leur tour. Cependant ce n’est ni la position des chefs religieux, ni celle de ces grandes corporations commerciales qui doivent nous occuper dans cette étude, mais bien l’État proprement dit.

1.4 Seuls les États ont des droits et des devoirs internationaux. / B. S. H. / – Nous traiterons d’abord des États simples pour en discuter les droits et les devoirs. Ces droits et ces devoirs se correspondent réciproquement; le droit de l’État A entraîne des devoirs pour les États B, C et D... et vice versa. Cependant il vaut mieux envisager séparément les droits et les devoirs, si l’on veut se faire une idée plus exacte de chacun d’eux.

Avant d’aller plus loin, il faut prendre parti sur une question délicate et très disputée: celle de savoir si seuls les États ont des droits et des devoirs internationaux; à mon avis il ne peut y avoir de doute à ce sujet.

Les droits des États, ce sont des droits envers les autres États et les devoirs de même; il n’y a pas en droit international de droit de l’homme, de l’individu envers l’État ni de devoirs de l’État envers l’individu.

S’il s’agit des rapports entre un individu et l’État dont il est le ressortissant, on se trouve dans le domaine du droit constitutionnel; s’il s’agit des rapports entre un individu et un État étranger, cet individu devra s’adresser à son propre gouvernement qui agira en sa faveur, si bon lui semble.

Sans doute il existe des juristes modernes comme Fiore, Cruchaga, et on peut citer aussi Zeballos, pour lesquels l’homme â des droits plutôt supernationaux qu’internationaux et qu’on pourrait appeler des droits constitutionnels envers la magna civitas. C’est une position qui mérite d’être discutée sérieusement; elle le sera dans la suite de cette étude (1) mais pour le moment nous supposons que les droits d’un État s’exercent exclusivement vis-à-vis des autres États et qu’ils engendrent des devoirs réciproques.

1.5  Deux sortes de droits fondamentaux: les droits originaires et les droits acquis. –  Les écrivains ont divisé ces droits en deux classes:

Les uns sont originaires, primitifs, fondamentaux ou absolus et les autres sont des droits acquis, dérivés, conditionnés par certaines hypothèses, relatifs ou éventuels (2).

Oppenheim s’oppose à cette distinction (3) qui a néanmoins sa raison d’être. On pourrait du reste l’exprimer d’une autre façon en disant qu’il y â des droits qui dérivent de l’existence pure et qu’il y a des droits qui naissent des conventions que les États passent entre eux.

Tous les droits de la première classe peuvent se résumer dans un seul: le droit de vivre, de vivre, non pas seulement d’exister, mais de vivre comme une personne ayant une vie naturelle; c’est-à-dire de protéger les intérêts de ses sujets et de se développer sans être entravé par les États voisins, mais aussi sans faire de tort aux autres États, comme le dit sir Robert Phillimore.

«De même que c’est de l’institution de Dieu que chaque individu parvienne au plein développement de ses moyens intellectuels en nouant des relations avec d’autres hommes et que, de cette façon, un peuple se forme, de même il est dans la providence divine que chaque société gagne le plus haut degré de perfection dont elle est capable en entrant en rapports avec les sociétés semblables.»

Agir, vivre, jouir de son existence au milieu de la grande communauté des nations, c’est la condition normale d’un État, autant que vivre en société est la condition normale d’un homme (1)».

1. 6 Le droit de vivre est à la base de tous les droits fondamentaux. – Chaque État a donc le droit de vivre; il a aussi le droit de commencer à vivre, le «droit à la naissance.» On peut observer la naissance d’un État comme les naturalistes observent la génération des animaux. Elle se fait ordinairement par agrégation ou par scission. Il faut dire ordinairement, parce que, dans des cas très rares, un État peut se former par suite de l’organisation que se donnent des nomade sou des individus aventureux (heimatlos). Cela a été le cas par exemple pour les corsaires barbaresques qui se sont constitués en États acceptés et reconnus, quoique hautement blâmés, par les États européens. On peut citer à ce sujet la décision rendue par sir William Scott (Lord Stowell) dans l’affaire The Helena (2) et aussi les observations que fait à ce sujet sir Robert Phillimore (3).

On peut aussi théoriquement imaginer la désintégration d’un État aboutissant à une situation où l’anarchie serait telle que les citoyens, devenus sans foi ni loi, pourraient être comparés à des atomes épars sans liaison entre eux; cette catastrophe a menacé tout dernièrement de se produire en Russie.

Mais, pour revenir aux cas ordinaires, on trouvera dans l’histoire plusieurs exemples d’ «agrégation»; il suffit de mentionner ici la Heptarchie anglo-saxonne faisant place à un royaume, l’union de l’Angleterre et de l’Ecosse, les provinces séparées des Pays-Bas s’unissantdans une confédération néerlandaise qui plus tard devient le royaume de Hollande, le groupement Suisse, l’union de Castille et de Léon, celle de ces deux royaumes avec celui d’Aragon, etc.

On doit d’ailleurs constater des différences: les unions qui ont donné naissance à l’Angleterre et à l’Espagne ainsi que l’union de la Navarre à la France sont des unions parfaites; il en est résulté un corps politique présentant une unité complète. L’union de l’Angleterre et de l’Ecosse n’est pas d’une nature aussi étroite, car l’Ecosse conserve ses lois et ses coutumes municipales. La confédération des Pays-Bas, qui était d’abord une confédération d’États à peu près souverains, forme maintenant un seul peuple. Quant à la confédération helvétique, elle a subi avec le temps des changements importants; de petits États qui n’étaient autrefois liés que par des traités défensifs, se sont fondus pour ainsi dire en un État qui, pour toutes les relations internationales, ne consiste qu’une unité.

On pourrait s’étendre longuement sur une évolution qui s’est présentée quelquefois et qui consiste en ceci: plusieurs États se séparent par suite de sécession d’un groupement politique; puis ils concluent entre eux des traités d’union, ils se confédèrent et finalement ils ne forment plus qu’une entité politique. L’exemple le plus intéressant est celui des treize colonies de l’Amérique du Nord, qui après quelques vicissitudes se sont unies pour former la république fédérale des États-Unis. L’histoire de cette grande république est une série d’événements qui tous tendent à l’unification nationale; les jugements du chief justice Marshall, la répression de la révolte des États du Sud, et les amendements constitutionnels si remarquables, votés tout dernièrement, spécialement celui qui a élevé la prohibition du commerce de l’alcool à la hauteur d’une loi fédérale, marquent autant d’étapes dans cette voie.

De la naissance de deux États par division, nous avons plusieurs exemples assez récents. La séparation de la Suède et de la Norvège, les formations des États chrétiens détachés de l’Empire ottoman, Roumanie, Serbie et Bulgarie, ou encore la façon dont la Tchécoslovaquie est sortie de l’Empire austro-hongrois. La Pologne s’est formée par les deux procédés: la partie russe s’est séparée de la Russie, la partie prussienne de l’Allemagne, la partie autrichienne de l’Autriche, puis ces trois fractions se sont unies pour former un État nouveau.

Il faut ajouter que quelquefois la division, du moins au début, ne va pas jusqu’à une séparation absolue. L’Argentine était d’abord un État simple dont les provinces n’étaient que des divisions municipales. Elle est maintenant une Confédération d’États.

L’Empire britannique depuis le dernier siècle s’est changé d’un royaume simple en une confédération véritable. Il faut espérer qu’on n’avancera pas plus loin dans cette voie.

Revenons à la naissance d’un État. Quelques écrivains posent comme une condition nécessaire de l’existence d’un État, qu’il ait été reconnu en cette qualité par les autres États du monde. Il n’en est rien et cette opinion confond ce qui n’est qu’un indice ou qu’une preuve d’existence avec une condition de la vie elle-même; elle aboutit à soumettre les droits d’une nation au bon plaisir de ses voisins. Certes la reconnaissancea un effet relatif ou subjectif,parcequ’un État une fois reconnu demeureun État pour tous lés États qui lui ont octroyé la reconnaissance et pour tous leurs sujets. C’est là une doctrine maintes fois affirmée dans la jurisprudence anglaise (1).

Mais en refusant de reconnaître l’existence d’un État indépendant, on ne nuit pas à son existence; s’il existe de facto, on peut toujours refuser d’entretenir avec lui des relations diplomatiques ou commerciales, mais ce sera tout de même un État.

Wheaton exprime cette opinion lorsqu’il dit que la souveraineté d’un État Commence à l’origine même de la société dont il est formé, ou quand il se sépare de la société dont il faisait précédemment partie (2). Mais ce n’est pas la doctrine de Calvo, ni celle d’Oppenheim. Calvo dit:
«Mais si l’État exerce la souveraineté intérieure à partir du moment de sa constitution, il n’en est pas de même à l’égard de sa souveraineté extérieure; celle-ci doit être sanctionnéepar les autres États, et jusque-là l’État nouveau ne fait pas partie de la grande société légale des nations. Chaque État reste sans doute libre de reconnaître ou de ne pas reconnaître l’État nouveau qui vient à se former; mais il est, dans tous les cas, obligé de subir les conséquences de la détermination à laquelle il s’arrête (3).»
Oppenheim commence d’un ton assuré, mais ses conclusions sont plus douteuses. Voici en quels termes il s’exprime:
«Si l’on considère les faits actuels de la vie internationale, on verra que cette opinion n’est pas juste. Il est établi par la jurisprudence internationale que nul État nouveau ne peut demander sa reconnaissance aux autres États comme de droit, et qu’il n’est du devoir d’aucun autre État de lui accorder cette reconnaissance. Il est admis qu’un nouvel État, qui n’est pas encore reconnu, ne peut s’arroger les droits qu’un membre de la famille des nations peut maintenir contre les autres membres....
«Nul doute que la condition d’État ne soit indépendante de la reconnaissance. La jurisprudence internationale ne dit pas qu’un État n’existe pas jusqu’à ce qu’il soit reconnu, mais il n’en fait aucun cas jusqu’à ce qu’il soit reconnu. C’est par la reconnaissance exclusivement qu’un État devient une personne internationale et l’objet du droit international (1). »
En somme, on ne peut qu’approuver l’expression si juste qu’emploie Holtzendorff: «La reconnaissance d’un État nouvellement constitué ne lui est pas nécessaire pour son existence ou pour son avenir, mais bien pour régulariser sa participation dans la communauté des États (2).»

1.7 Le «droit à la naissance». – Pour en finir avec la question de la naissance d’un État, il suffit d’ajouter qu’on ne doit pas confondre la reconnaissance d’un État nouveau et la reconnaissance d’un nouveau gouvernement que chaque pays a le droit de se donner.

Mais comme dit Béranger: «Ce n’est pas tout de naître». Une fois qu’il est né, l’État commencé à vivre et c’est de son droit à la vie, avec toutes ses ramifications et toutes ses dépendances que nous nous occuperons maintenant.

Si l’on compare le droit de vivre au tronc d’un arbre, on peut dire en effet qu’il donne naissance à toute une ramification de droits subordonnés; la première branche dans cette ramification sera le droit de souveraineté. Chaque État, par définition même, possède un territoire et des citoyens; sur ce territoire et sur ces citoyens, l’État est souverain, et les citoyens sont ses sujets.

1.8  Le droit de souveraineté. – De la souveraineté de l’État sur son territoire, il n’y a pas grand’ chose à dire. L’expression de territoire comprend évidemment les lacs qui se trouvent dans les limites du pays. L’État exerce aussi sa juridiction sur les eaux fluviales: mais ici, on doit tenir compte des droits que peuvent posséder d’autres États qui se trouvent en amont et en aval du fleuve.

Les États maritimes exercent également leur souveraineté sur les enclaves de la mer, commesont par exemple les rades de Rio de Janeiro ou de Sydney, sur les baies et les golfes, s’ils ne sont pas d’une trop grande largeur, et sur la mer littorale au moins jusqu’à une certaine distance des côtes; toutefois, on doit respecter les droits de navigation et de pêche appartenant aux citoyens d’autres États.

Il est inutile d’insister plus longuement sur ce point: par contre, en ce qui concerne la zone aérienne, il est nécessaire de donner quelques précisions.

Au commencement de la navigation aérienne, certains auteurs se sont égarés en faisant une fausse application d’un principe séduisant (3): ils ont dit: «l’air est libre,» et ils ont déduit de cette proposition assez simple le droit pour chaque aviateur de conduire son àvion partout où il le trouverait bon. Mais il faut distinguer entre l’air, l’élément composé des gaz oxygène, nitrogène, etc., et l’espace aérien, « the air-space » comme on dit en anglais, qui se trouve au-dessus du territoire dé chaque État. Si un État n’avait pas le droit de souveraineté sur cet espace, s’il restait libre aux incursions d’étrangers, peut-être mus par des intentions hostiles, sa sécurité se trouverait gravement menacée. Ses forts, ses garnisons, ses dépôts seraient exposés à un espionnage continuel; en outre, même en temps de paix on pourrait, par dessein ou par maladresse, lancer d’un avion des choses nuisibles, dangereuses pour la santé publique, ou susceptibles de provoquer des épizooties, ou des maladies sur les végétaux. On pourrait, de cette façon, éviter le paiement des droits de douane; de plus, des collisions nombreuses entre avions seraient à craindre, qui non seulement entraîneraient la mort des aviateurs, mais causeraient des dommages aux personnes et aux biens des habitants de l’État survolé.

L’État exerce sa souveraineté sur toutes les personnes qui se trouvent sur son territoire. Ces personnes sont d’une part ses sujets, qui sont nés tels ou qui le sont devenus par naturalisation, et d’autre part; des étrangers qu’on peut diviser en deux classes : ceux qui ont leur demeure ordinaire (commorantes) sur le territoire national et ceux qui s’y trouvent pour un court séjour (passagers). Ces étrangers (subditi temporanei) doivent se soumettre à ses lois et peuvent les invoquer pour leur sécurité personnelle et celle de leurs biens.

Sur ses sujets nés et, sauf quelques légères modifications, sur ses naturalisés, l’État étend sa protection et aussi son imperium quand ils se trouvent en pays étranger. Il peut leur ordonner de revenir afin de remplir des devoirs militaires ou civils, les subordonner à ses lois relatives au statut de la famille et aux successions, soumettre leurs biens aux impôts; etc. En revanche, l’État reconnaît que
les étrangers qui sont sur son territoire sont subordonnés aux lois de leur propre patrie en tant que ces lois ne sont pas en conflit avec les siennes, que leur propre patrie a le droit de les protéger, de demander qu’ils soient traités avec justice et qu’ils jouissent de la protection des lois du pays.

Enfin il y a des choses qui prolongent la souveraineté d’un État hors de son territoire: ce sont les vaisseaux qui portent son pavillon. Mais c’est là une question très spéciale du droit international qui ne saurait faire l’objet d’un examen détaillé dans cette étude.


Segue.


Top.


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